En regardant la carte de l’Europe, on remarque à l’est une longue crête montagneuse en forme de colimaçon. C’est l’arête des Carpates qui cache, dans sa partie arrondie, l’une des contrées les plus riches et les plus diversifiées du folklore européen : la Transylvanie. Ce territoire a tantôt fait partie de la Hongrie, tantôt constitué une principauté autonome. La paix de Trianon, qui suivit la première guerre mondiale, l’a attribué à la Roumanie, prenant acte du fait que la population transylvaine était désormais majoritairement roumaine. C’est pourtant dans la diversité des origines de sa population que réside l’un des secrets de la richesse musicale de la Transylvanie. Aux trois nationalités reconnues dès le Moyen-Âge (Hongrois, Sicules, Saxons) s’ajoutèrent successivement les Roumains, les Tatars, les Slovaques, les Juifs, les Tsiganes, les Arméniens. Chacun de ces peuples a, par ses apports successifs, contribué au développement de la musique transylvaine. Le style, la saveur propres à cette musique populaire ne peuvent se confondre ni avec ceux de Hongrie ni avec ceux de la Roumanie primitive.
L’usage du violon et des instruments à cordes y apparaît dès le XVIIe siècle mais ne se généralise qu’à partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Dès lors, les instruments à cordes évincent définitivement les instruments à vent (cornemuse, chalumeau) jusqu’alors couramment utilisés dans la musique traditionnelle transylvaine et le quatuor, composé sur le modèle occidental de deux violons, d’un alto et d’un violoncelle (ou contrebasse), se développe et se maintient jusqu’au début du XXe siècle, avec différentes variantes locales. En général, les formations dépendent fortement de la richesse de la région. Dans les campagnes aisées, la collectivité entretient un orchestre important, comprenant des instruments variés, contrairement aux autres villages moins opulents.
La caractéristique principale de cette musique de danse est le rythme accentué sur la première pulsation, et ce pour chaque instrument. Tout y est très sonore, il n’y a pas d’hésitation dans la dynamique. Chaque pièce est construite sur une succession de mélodies librement associées, l’orchestre improvisant à l’intérieur du cadre des règles de la danse.
On notera également que le tempérament utilisé, antérieur au tempérament égal, sonne faux à une oreille occidentale moderne. Les notes, par rapport aux règles de l’acoustique, sont en permanence tirées vers le haut, contribuant ainsi à produire une musique plus ‘tendue’.
La plupart des mélodies mélangent les deux styles vocaux hongrois, le plus récent et le plus ancien. Les textes sont improvisés sur de vieilles mélodies hongroises et expriment en général l’humeur du chanteur (ou de la chanteuse), ses joies ou ses peines. Le chant alterne avec la déclamation et, dans de nombreux cas, des interjections ou des cris de joie pendant les danses (csujjogatások) sont intégrés au texte de la chanson. L’origine des textes est accessoire, car à côté des ‘uvres populaires, le chanteur intègre également des fragments de poésie savante ou des vers de grands poètes hongrois appris à l’école.
De nombreux compositeurs (originaire ou nom de Transylvanie) se sont intéressé à cette musique, réalisant des pièces de musique instrumentales très colorées.