Maurice RAVEL (1875 – 1937)
Trio pour piano et cordes en la m
Ma mère L’oye (transcription pour trio avec piano)
Trio pour piano et cordes en la m
Ma mère L’oye (transcription pour trio avec piano)
Maurice RAVEL : Trio en la mineur
I. Modéré, II. Pantoum (Assez vif), III. Passacaille (Très large), IV. Finale (Animé)
Tout compositeur sait combien il est difficile d’écrire pour trio avec piano, et le Ravel de 1914 était, à l’instar de Tchaïkovski avant lui, pleinement conscient des problèmes d’équilibre posés. Mais Ravel voyait en tout problème un défi. En 1912, il s’était affronté à l’écriture d’une symphonie chorégraphique pour Daphnis et Chloé—à sa grande satisfaction, semble-t-il, si ce ne fut à celle de Diaghilev. En 1914, après s’être penché sur la poésie de Mallarmé en 1913, il fut de nouveau prêt à se colleter aux questions de forme qui l’avaient toujours fasciné—le côté «horloger suisse» de son caractère, pour reprendre une remarque acerbe de Stravinski.
Depuis une huitaine d’années déjà, il caressait l’idée d’écrire un trio avec piano, et aurait même rapporté à son ami et élève Maurice Delage: «J’ai terminé mon Trio, je n’ai plus qu’à choisir mes thèmes !». Dans une notice autobiographique dictée en 1928, son unique commentaire sur cette œuvre, désormais achevée, concerna sa «couleur basque». Ce qui déconcerta les commentateurs, jusqu’à la découverte, des années après sa mort—dans des esquisses de son œuvre inachevée pour piano et orchestre Zaspiak Bat («Les sept provinces»), fondée sur des thèmes basques—du thème d’ouverture du premier mouvement.
Le premier mouvement – le plus long – tire son unité du rythme de la mesure initiale qui revient constamment et s’imprègne d’un motif de danse basque.
Le deuxième mouvement emprunte son titre «Pantoum» à une forme poétique malaise (imitée, entre autres, par Hugo, Gautier et Baudelaire), où les deuxième et quatrième vers de chaque quatrain deviennent les premier et troisième vers du suivant. Longtemps, l’on vit en ce titre une simple concession ravélienne à de vagues inclinations exotiques. C’était ignorer que rien, chez Ravel, ne fut jamais vague, le compositeur adhère, en réalité, étroitement à la structure du pantoum, et observe, qui plus est, une autre exigence de cette forme poétique, en vertu de laquelle le poème (ou le mouvement) doit traiter de deux idées séparées développées en parallèle. Chacun de ces thèmes recèle donc une continuation réelle (audible à l’exécution) et notionnelle (inaudible mais qui satisfait l’amour propre du compositeur).
En guise de mouvement lent Ravel écrit une « Passacaille » – forme ô combien codifiée – qui constitue le troisième mouvement. Elle est traitée avec sobriété, quoique fort librement.
Le dernier mouvement présente des rythmes irréguliers (à 5 et 7 pulsations) qui évoquent à nouveau le folklore basque. Le travail de Ravel sur ce mouvement coïncida avec la déclaration de guerre en août, d’où, peut-être, les sonneries entendues au milieu du mouvement.
Fait typique, Ravel dit juste de cette œuvre, où sa maîtrise technique se révèle dans toute sa perfection éclatante : « encore un Trio » ! Toutefois, ce désaveu était, dans une certaine mesure, destiné au public. En son for intérieur, Ravel se passionnait pour la technique compositionnelle et pour le rôle qu’il jouait dans son évolution. Avec ses amis intimes, il déclarait parfois : « Et puis, vous savez, on n’avait jamais fait ça! ». Cette passion, quelle que fût sa source, découla peu probablement, semble-t-il, de l’influence de son maître, Fauré. Non que Fauré méprisât la technique. Mais Ravel, ainsi que d’autres élèves, ont bien expliqué que tel n’était pas le propos de ses classes de composition, au Conservatoire. Ravel dut à Fauré ses qualités artistiques —il tenait plutôt ses qualités techniques de Gédalge —et un condisciple alla même jusqu’à affirmer que les meilleures leçons de Fauré étaient celles où, arrivant en retard, il disait à Ravel: «Jouez-nous vos Jeux d’eau!» et repartait …
Ma mère l’Oye (transcription pour trio avec piano : René Bosc)
I. Pavane de la Belle au bois dormant
II. Petit Poucet
III. Laideronnette, impératrice des pagodes
IV. Les Entretiens de la Belle et de la Bête
V. Le Jardin féérique
Ravel aimait les enfants et on ne peut en douter lorsqu’on écoute ce chef-d’œuvre de l’opéra qu’est L’Enfant et les Sortilèges. Il écrivit ce recueil de cinq pièces enfantines pour piano à 4 mains qu’est Ma mère l’Oye pour Jean et Marie, les enfants d’un couple d’amis. Pour évoquer le monde des contes et des rêves de l’enfance, Ravel a puisé son inspiration dans les contes de fées du 18ème siècle français : Charles Perrault, la comtesse d’Aulnoy et marie Leprince de Beaumont. La Pavane de la Belle au bois dormant (d’après Perrault) voit la vieille femme se transformer : c’est en réalité la fée Bénigne qui berce de contes le sommeil de la princesse. Le tableau suivant Petit Poucet (d’après Perrault) nous conduit au cœur de la forêt. Une mélodie sinueuse nous décrit les hésitations des enfants du bûcheron errant à la nuit tombée. Laideronnette, impératrice des pagodes (d’après le Serpentin de Mme d’Aulnoy) est une « chinoiserie » sur un rythme de marche, étrange et séduisante. Dans les Entretiens de la Belle et la Bête (d’après Mme Leprince de Beaumont) Ravel réduit l’histoire à l’essentiel, en un dialogue amoureux au cours duquel la Belle finit par céder aux supplications de la Bête. Un grand glissando, et le sortilège prendra fin – qui sous les traits du monstre dissimulait le Prince charmant. Le Jardin Féerique forme une rayonnante apothéose. Il ramène le jour et ses chants d’oiseaux ; d’un baiser le Prince charmant a réveillé la Princesse et le couple est béni par la fée.
En 1911, Ravel réalisera une orchestration, dont quelques mois plus tard il tirera un ballet.