Programme :
Jean Sebastien BACH (1685 – 1750)
– Suites pour violoncelle seul (extraits)
Programme :
Jean Sebastien BACH (1685 – 1750)
– Suites pour violoncelle seul (extraits)
Jean Sebastien Bach (1685-1750)
Suites pour violoncelle seul (extraits)
Bach n’a pas été le premier à écrire pour le violoncelle seul, puisque les premiers essais d’indépendance du violoncelle se trouvent en Italie dans des œuvres de Domenico Gabrielli (1659-1690) ou de Giovanni Battista Degli Antoni (né vers 1660). Mais il invente réellement un style propre au violoncelle, qui va sonner le glas de celui de la viole de gambe. On ne connaît pas la date exacte de la composition des six Suites pour violoncelle seul. Il n’existe pas de manuscrit autographe de ces pièces, mais plusieurs copies dues notamment à Anna Magdalena, seconde épouse de Jean-Sébastien, à Johann Peter Kellner, organiste et ami de Bach et à Westphall. La première édition imprimée de ces Suites ne parut qu’en 1825 chez Probst, à Vienne, sous le titre trompeur de Six sonates ou études pour violoncelle solo. Le terme d’«études», déjà appliqué aux sonates et partitas pour violon seul dans leurs premières éditions, est ajouté là à des fins commerciales autant que pédagogiques. Il est d’usage de penser que Bach a composé ces œuvres pour deux violoncellistes de l’orchestre de la cour de Coethen : Bernard Linigke et Karl Ferdinand. Abel Linigke en fut sans doute le premier interprète.
Redécouvertes par le public grâce aux exécutions qu’en fit Pablo Casals dès 1909, les Suites de Bach sont devenues un passage obligé dans le répertoire de tout violoncelliste, tant pour leur génie musical que pour leur qualité pédagogique et théorique. On sait malheureusement peu de choses quant aux circonstances de leur écriture, et les musicologues continuent de disserter sur l’identité réelle de l’instrument d’origine auquel fut destinée notamment la sixième suite, écrite pour un instrument à cinq cordes.
La composition des Suites prend place dans la période de Köthen de 1717 à 1723, si fertile pour Bach en créations de musique instrumentale. Chacune des six Suites se compose d’une succession de danses parmi lesquelles on retrouve systématiquement l’allemande, la courante, la sarabande et la gigue, toutes dans la même tonalité. La suite est introduite par un prélude. Entre la sarabande et la gigue s’insère une pièce double : menuets, gavottes ou bourrées I et II. Compte tenu de cette unité de structure, de leur progression expressive et de l’augmentation progressive de la difficulté de suite en suite (la cinquième avec scordatura, c’est-à-dire désaccord des cordes de l’instrument, la sixième pour un instrument à cinq cordes), il est probable que Bach ait conçu les six Suites comme un cycle.
Bien que l’on ait connaissance de pièces antérieures pour violoncelle seul (ce qui n’était pas forcément le cas de Bach), les suites de Bach ont quelque chose d’inaugural. Par leur place originelle dans le répertoire, évidemment. Mais aussi, plus prosaïquement, parce que le violoncelle n’était alors qu’un instrument d’orchestre ou d’accompagnement – la viole de gambe lui était préférée pour la musique soliste. On imagine l’exaltation avec laquelle Bach, inlassable expérimentateur, a dû considérer le défi audacieux : animer ces quatre cordes peu prisées avec du contrepoint avec une polyphonie implicite, et démontrer la beauté de cet instrument sous-estimé. Faute de répertoire, il n’avait d’autre choix que d’innover. Il est possible que, comme souvent, Bach ait également eu des intentions didactiques. Les Suites pour violoncelle n’ont ni l’impossible difficulté technique ni la complexité contrapuntique de ses œuvres pour violon seul. Elles ne comportent qu’une seule fugue (dans le Prélude de la cinquième Suite) et aucun mouvement de très grande ampleur. Comme beaucoup d’autres œuvres de cette période, elles ont une portée pédagogique. Elles comportent beaucoup de mouvements où la musique émerge de gammes, arpèges et accords, et privilégient la ligne mélodique et les rythmes de danse, s’inspirant souvent davantage du goût français que du goût italien. Mais le contrepoint avait plusieurs formes chez Bach, et l’on peut dire malgré tout qu’il cherchait bien à réinventer son univers contrapuntique sur un instrument aux possibilités polyphoniques apparemment limitées. Comme dans les Sonates et partitas pour violon, la solution a consisté à développer un art de l’ellipse et du sous-entendu, certaines voix devant être implicitement complétées par l’auditeur. Les six Suites partagent une forme identique : un prélude introductif, une allemande, une courante, une sarabande, deux danses variables (menuets pour les Suites n° l et 2, bourrées pour les 3 et 4, gavottes pour les 5 et 6 ), et pour finir une gigue. À l’exception des préludes introductifs, typiques du débit continu de musique de Bach, il s’agit donc d’une suite de danses – ce que l’interprétation doit nous donner à entendre, aussi stylisées puissent-elles être.
Suite n°1 en sol majeur BWV 1007.
Bach y exploite beaucoup les cordes à vide de l’instrument pour lui donner une grande richesse de ton. Son Prélude introductif est le plus célèbre de toutes les suites, déroulant des arpèges à la manière du premier Prélude du Clavier bien tempéré. L’Allemande et la Courante reprennent de manière plus libre ses motifs mélodiques de seize notes. La Sarabande utilise des doubles et triples cordes avec une conduite qui suggère le contrepoint sans l’expliciter. Les Menuets et la Gigue sont plus légers, plus simples, avec des rythmes syncopés et une nature plus humoristique.
Suite n°2 en ré mineur BWV 1008.
La deuxième Suite possède une nature plus intérieure et lunaire. Avec encore des formules arpégées, le Prélude s’apparente ici à une fantaisie. L’Allemande et la Courante explorent la même atmosphère, avec de plus en plus de liberté et de franchise dans les motifs rythmiques, et une influence du style italien, plus marquée encore dans la Sarabande. Les Menuets et la Gigue nous ramènent dans les couleurs sombres de la Suite.
Suite n°3 en do majeur BWV 1009.
Comme dans la première Suite, Bach utilise beaucoup les cordes à vide, et notamment le do grave pour donner à la suite rondeur et richesse sonore, avec un recours fréquent aux accords à quatre notes. Les mélodies comportent des intervalles plus hardis, et les modulations sont plus audacieuses. Les trois premières pièces (Prélude. Allemande et Courante) possèdent une fois encore une grande unité dans les thèmes et l’atmosphère. La Sarabande possède une grande richesse harmonique, avec une surprenante modulation en ré mineur dans la seconde section. Les deux Bourrées conservent un caractère de danse très marqué, tandis que la Gigue finit avec la même fraîcheur, représentant l’une des gigues les plus réussies de Bach, avec une superbe inspiration mélodique.
Suite n°4 en mi bémol majeur BWV 1010.
Le Prélude commence avec des arpèges énoncés avec régularité, avant que des cadences introduisent un caractère de fantaisie et explorent des tonalités éloignées. L’Allemande est contrastée : elle juxtapose mouvements conjoints et disjoints, et alterne croches et doubles croches : la Courante propose également des motifs rythmiques variés, tandis que la Sarabande, avec ses accords et ses rythmes pointés, apparaît comme une ligne brisée se développant sur une ligne de basse explicite. Les Bourrées proposent deux caractères également antagonistes : espiègle et élaboré pour la première, d’une simplicité resserrée pour la seconde. La Gigue finale clôt l’œuvre sur un brillant mouvement perpétuel.
Suite n°5 en ut mineur, BWV 1011.
La cinquième Suite comporte une scordatura permettant de jouer de manière plus aisée certains accords : l’accord de la corde la plus haute est abaissé du la au sol. Cependant, les éditions modernes comportent généralement une version pour l’accord standard. Le Prélude se présente comme une ouverture à la française, faisant se succéder un prélude et une fugue à deux voix, donnant un exemple remarquable de contrepoint implicite. Prolongeant là encore le Prélude. L’Allemande possède une plus grande envergure que celle des autres Suites. avec des thèmes complètement développés et une grande complexité harmonique. La Sarabande, l’un des moments les plus extraordinaires de la pièce (et des Suites pour violoncelle seul), se caractérise par son intimité et son atmosphère d’inquiétante étrangeté, marquée par l’absence de doubles cordes et une incroyable tension harmonique. La Courante et la Gigue adoptent le style français plutôt qu’italien, avec leurs rythmes pointés.
Suite n°6 en ré majeur BWV 1012.
La sixième Suite a été composée pour un instrument à cinq cordes (la corde supplémentaire étant un mi une quinte au-dessus de la corde en la habituellement la plus aiguë) : soit une viola pomposa, instrument un peu plus grand qu’une viole, dont Bach aurait été l’inventeur ; soit un violoncelle piccolo ; soit un violoncelle de taille normale à cinq cordes. La cinquième corde évite aux instrumentistes les difficultés acrobatiques auxquelles les violoncellistes jouant leur instrument moderne à quatre cordes doivent faire face. La virtuosité apparaît avec plus d’évidence dans cette Suite que dans les autres. Le registre aigu y est aussi plus sollicité et donne un caractère lumineux à l’ensemble de la pièce. Le Prélude est un long mouvement perpétuel qui se termine sur une cadence brillante, esprit que l’on trouve dans la Gigue finale ; l’Allemande développe une mélodie très ornementée, qui joue avec les limites aiguës de l’instrument ; et les Gavottes possèdent une franchise rythmique qui ajoute au caractère joyeux et solaire de la Suite.