Franz Schubert (1797-1828)
Quintette à cordes en ut majeur pour deux violons, un alto, deux violoncelles
En 1827 Franz Schubert tenait un cierge aux funérailles de Beethoven, affligé à l’extrême par la mort du compositeur qu’il avait vénéré par dessus tout, et sentant peut-être que sa propre vie touchait à sa fin. Schubert devint obsédé par l’idée d’être enterré près du maître. Lui-même se trouvait dans une situation pénible, pauvre, pratiquement inconnu, et atteint d’une maladie vénérienne qui devait finalement s’avérer fatale. « Chaque nuit lorsque je m’endors », écrivait-il « j’espère ne jamais me réveiller, et chaque matin ne fait que rouvrir les plaies de la veille ».
Schubert mourut à l’âge de 31 ans le 19 novembre 1828 dans une froide et sombre mansarde de Vienne. Durant toute sa vie seule une infime quantité de son énorme production musicale avait été exécutée ou publiée, et pendant de nombreuses années après sa mort la plupart de ses partitions demeurèrent oubliées dans les placards ou les greniers de parents ou d’amis. Il fallut attendre plus de 20 ans avant que l’une des plus importantes œuvres de musique de chambre de Schubert, écrite pendant les dernières années de sa vie, fût découverte. C’était le Quintette à cordes en ut majeur. Il fut composé dans la foulée de la Symphonie n°9 la Grande», probablement dans le courant de l’été 1828, mais ne fut exécuté pour la première fois qu’en 1850 !
Plus d’un commentateur a considéré le Quintette en ut majeur comme étant un des chefs-d’œuvre dans l’art de Schubert, l’un de ses biographes allant même jusqu’à qualifier l’œuvre de « charte de la musique romantique ». La formation choisie par Schubert (deux violons, un alto et deux violoncelles) pour ce quintette est assez rare, et rien ne permet de savoir s’il fut influencé par quelque autre partition ; peut-être a-t-il eu connaissance de certains quintettes d’Onslow, qui jouit à l’époque (et pour quelques décennies encore) d’une grande popularité dans les pays germaniques ? Brahms, lui, se souviendra de cette écriture, où deux parties graves équilibrent les deux violons, dans la première version que ce qui deviendra le Quintette avec piano op. 34. Ici, la présence du second violoncelle (un instrument que Schubert affectionne, comme le montrent ses deux Trios D. 899 et D. 929) confère à l’œuvre un côté orchestral en élargissant les tessitures ; elle permet notamment de conserver des basses solides lors des passages mélodiques du premier violoncelle (c’était déjà le cas avec l’utilisation de la contrebasse dans le Quintette « La Truite » neuf ans plus tôt), mais elle participe également, par ses effets sonores, au lyrisme et au romantisme profonds de l’œuvre. Le Quintette en ut majeur de Schubert est, par-dessus tout, une composition sereine. L’œuvre est en quatre mouvements : Allegro ma non troppo, Adagio, scherzo (Presto) et finale (Allegretto)
Le premier mouvement (Allegro ma non troppo) est débordant de contrastes. L’Adagio élégiaque conserve le climat quasi-passionné de l’Allégro. Le contraste apporté par le scherzo (Presto) est le bienvenu. C’est une robuste chose, modérément agitée, avec une partie centrale (Andante sostenuto) étonnamment mélancolique. Enfin le joyeux finale (Allegretto) possède une certaine atmosphère hongroise-bohémienne, mais n’en est pas moins lyrique pour cette même raison.