Hommage à Benny Goodman
Benny Goodman fut le premier musicien a exceller autant dans le domaine du jazz que dans celui de la musique classique. Ce clarinettiste américain né à Chicago en 1909 avait en effet tous les talents, celui de faire danser autant que d’ouvrir les oreilles
Dans le monde du jazz et dans le contexte politique de l’époque, celui qu’on a fini par appeler The King of Swing n’a pas toujours eu la vie — ni la carrière — facile. Blanc, interprète classique, juif et riche, Benny Goodman détonnait. Pourtant, les clarinettistes de jazz l’ont vite considéré comme le meilleur d’entre eux.
En dehors de ses qualités de clarinettiste, de chef d’orchestre et de son succès commercial, il convient d’abord de saluer en lui l’homme qui permit d’abolir la discrimination raciale au sein des orchestres en intégrant au sien des musiciens de couleur. Il serait néanmoins injuste de réduire son apport au jazz à ce seul comportement, car Benny Goodman sut créer un style personnel fort séduisant, nourri à l’école de Chicago et des apports de Sidney Bechet et Barney Bigard. Sa musique est celle de la plénitude : pleine de charme, porteuse de joie simple et de bonheur de vivre, magnifiée par des orchestrations efficaces et astucieuses dues aux meilleurs arrangeurs du moment.
Virtuose de la clarinette, établissant son discours sur la modulation par de petites phrases parfois précieuses, par des arabesques et des volutes exprimant son penchant pour l’ornementation, soucieux de la perfection, rigoureux dans le travail autant pour lui-même que pour les autres, il sut plaire à ce public gourmand de refrains à la mode ainsi qu’à ces foules de danseurs qui envahissaient les ballrooms. Il diversifia ses prestations avec de petites formations (du trio au sextet), au style orchestral original.
C’est lui également qui, le premier, fait entrer le jazz dans le temple de la musique classique. Il commanda nombre d’œuvres aux plus grands compositeurs de son époque comme Béla Bartók (Contrastes pour clarinette, violon et piano, 1940), Aaron Copland (Concerto pour clarinette 1943) ou Leonard Bernstein (Prélude, fugue et riffs). Le compositeur allemand Paul Hindemith écrivit pour lui son Concerto pour clarinette et Poulenc en fit de même pour sa Sonate pour clarinette et piano. Il a également joué abondamment les compositeurs de son temps, Gershwin, Darius Milhaud et plus anciens Mozart (dont il laisse un fameux enregistrement) ou Brahms, dont, peu de temps avant sa mort, il s’exerçait à jouer une de ces sonates
Le clarinettiste français Pierre Genisson s’inscrit totalement dans cette double vie musicale et rend hommage, avec le pianiste Bruno Fontaine, à son prestigieux mentor.
Leonard BERNSTEIN (1918 – 1990)
Sonate pour clarinette et piano
La Sonate pour clarinette et piano a été composée entre septembre 1941 et février 1942 et est dédiée à son ami personnel, David Oppenheim. La première mondiale a été réalisée par David Glazer avec Bernstein au piano à l’Institute of Modern Art, Boston, MA, USA le 21 avril 1942. Oppenheim a donné la première à New York avec Bernstein un an plus tard à la New York Public Library, à NY , ETATS-UNIS. La Sonate est la première composition publiée de Bernstein et sa seule sonate pour instrument à vent.
Les deux mouvements offrent des ambiances très contrastées. Le premier a surtout des lignes lyriques soutenues, avec des marques de grazioso et de legatissimo ; les tempi suivent une forme générale « en arc », gagnant de l’énergie au milieu puis s’éloignant progressivement vers la fin. Le deuxième mouvement regorge de syncopes et de fioritures jazzy, principalement à 5/8. Les rythmes et les changements de mesure dans ce deuxième mouvement, en particulier dans les 20 dernières mesures environ, présenteront sûrement le plus grand défi en coordination avec le pianiste. Dans l’ensemble, la Sonate de Bernstein mélange les qualités de la clarinette classique et jazz et évite la structure formelle de la sonate pour produire un joyau de la littérature américaine pour clarinette.
George GERSHWIN (1898 – 1937)
Trois Préludes (arrangement pour clarinette et piano)
Les Trois préludes sont des courtes pièces pour piano écrites en 1926. Gershwin avait originalement l’intention de composer vingt-quatre préludes, mais le nombre diminua à six lorsque joués devant public et plus tard à seulement trois lors de la publication. Chaque prélude est un bon exemple de la musique classique américaine du début du 20ème siècle influencée par le jazz. Les pièces ont été arrangées pour plusieurs instruments solos, dont la clarinette
Rhapsody in blue (arrangement pour clarinette et piano)
En 1924 Paul Whiteman, le plus célèbre chef d’orchestre de jazz band, décide de monter une opération grandiose et sans précédent : un concert-manifeste aux couleurs ouvertement avant-gardistes, intitulé : « An Experiment in Modern Music » (Une expérimentation dans la musique moderne). Il s’agit de montrer à l’élite new-yorkaise –au monde !- que le jazz et le grand art musical peuvent, pour leur plus grande gloire, se marier de différentes manières ;que le premier apporte au second un sang neuf, moderne ; et que grâce à cette rencontre – on parlerai aujourd’hui de métissage – une musique spécifiquement américaine va naître enfin.
C’est en lisant un article du New Herald Tribune que Gershwin apprit que Whiteman allait créer l’une de ses œuvres un mois plus tard ! Loin de s’offusquer d’un tel procédé, Gershwin releva aussitôt le défi. Ce mélodiste, pianiste et improvisateur de génie composa rapidement la pièce, qui allait devenir l’un des emblèmes de l’Amérique saluant la “vieille Europe”. Il eut l’idée du thème principal dans un train, entre New York et Boston. La première de l’œuvre, dans sa version originale, fut donnée le 12 février 1924 à New York. Elle connut un succès immédiat et lança la carrière du compositeur.
Si on regarde de plus près la partition originale, on s’aperçoit que contrairement aux idées reçues, Gershwin a utilisé un langage harmonique savant, qui utilise les rythmes populaires américains comme le Fox-trot ou le Charleston. Gershwin fut admiré par Ravel et Schoenberg, non pour l’originalité de son “jazz”, mais pour l’audace des harmonisations ainsi que pour la qualité de ses “songs”. Il en composa près de 500 avec son frère, Ira Gershwin.
La notion “blue” n’a rien à voir ici avec le blues du jazz. A l’origine, il s’agissait d’une terminologie proche de l’esprit des surréalistes, évoquant simplement la couleur “bleue”.
Précisons enfin qu’il existe en dehors des deux versions pour orchestre de jazz et orchestre symphonique, des versions pour piano solo, piano à quatre mains et surtout pour deux pianos. En 1925, Gershwin enregistra sa propre version de l’œuvre pour piano solo.
Le célèbre glissando de clarinette qui introduit l’oeuvre fut une suggestion de Ross Gorman, clarinette solo du Whiteman Band ). Gershwin n’ayant écrit aucune pièce solo pour l’instrument—le compositeur James Cohn (né en 1928) a transcrit cette Rhapsodie ainsi que les Trois préludes pour piano en 1987.
Standards swing des années 30-40
Un standard de jazz est d’une composition musicale qui a une importance particulière dans l’histoire du jazz, une sorte de tube, un classique. Le mot standard est inextricablement lié à la pratique de l’improvisation et à l’appropriation de ces mélodies par chacun. Ces thèmes sont en effet la base d’arrangements; ils ont été joués, re-joués, repris, arrangés, détournés, en particulier dans ce qu’on appelle des jam sessions, ces fameuses séances musicales improvisées auxquelles peuvent se joindre différents musiciens. Les standards représentent donc un véritable patrimoine musical et historique et un réservoir incroyable pour tous ceux qui pratiquent ce répertoire.
Le Swing est à la base une caractéristique d’un type de musique Jazz dont la présence rythmique et mélodique donne envie de danser! Techniquement, l’effet Swing se fait à partir notamment de syncopes, qui sont des variations de rythmes non-binaires et qui donnent un effet, comme son nom anglais l’indique bien, de balancement.